Awabot : le robot de téléprésence qui permet à chacun d'être partout, une solution d'aménagement très efficace - arpejeh

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Awabot : le robot de téléprésence qui permet à chacun d’être partout, une solution d’aménagement très efficace

La société Awabot rejoint les nombreuses entreprises-membres de l’association arpejeh. Une adhésion porteuse de sens : cette entreprise consacre son activité au développement d’un robot de télé-présence. Cette solution technique permet déjà à de nombreuses personnes qui rencontrent des impossibilités de se déplacer d’être autonome dans le cadre des études ou d’un emploi. Explications avec son co-fondateur Jérémie Koessler.

Pouvez-vous nous présenter Awabot ?

Chez Awabot, nous sommes des spécialistes de l’interaction hommes-machines à travers des robots de télé-présence. Ce sont des sortes de « skype » à roulettes, ou plus précisément des solutions de visioconférence mobiles qui permettent à n’importe quelle personne, connectée à internet, de prendre le contrôle de la machine et d’être, ensuite, propulsé dans cet avatar. Il est assez simple : on est mécaniquement sur un objet fonctionnel. Le robot n’a pas de bras, d’oreilles. Mais grâce à ce robot de télé-présence vous pouvez voir, être vu, et entendu, et, en même temps, vous déplacer. Il suffit de se connecter à distance, et de bénéficier des possibilités d’échanges et d’interactions. C’est la base technologique.

Comment est né ce projet ?

Dans les années 90, déjà, existaient les premières bribes de robots de télé-présence. L’idée a suivi la vague de la visioconférence. Pour pouvoir en bénéficier, il fallait des réseaux télécom de qualité, avec des débits soutenus, de la mobilité sans fil (à partir de la 4G). Cette première barrière technologique a pu être franchie. Pour rendre l’ensemble mobile, il fallait aller un cran au-dessus. En visioconférence mobile, on ne peut pas se permettre d’avoir une demi-seconde de décalage. C’est comme si vous conduisiez votre voiture, et que vous aviez cette demi-seconde entre l’instant où vous tournez le volant et celui où la voiture réagit. Au-dessus de 300 millisecondes, on interdit de conduire les robots, parce que cela donne une sensation désagréable. Cette gestion de la latence est également venue avec l’amélioration des réseaux, et, notamment la grande révolution de la 5g.

Cela impose de l’exigence…

Dans la robotique, on doit en effet être excellent à tous les niveaux. Autant sur la partie logicielle, et réseaux, que sur la partie matérielle. Il faut produire un robot robuste, fiable, fonctionnel et accessible à tous. C’est un peu la concordance de tout. Il faut aussi tenir compte des besoins que l’on peut avoir, pour notre planète, de réduire les mobilités, de voyager moins. Cela concerne aussi les problèmes que peuvent poser la maladie, le handicap. Notre création permet globalement de résoudre des problématiques d’empêchement.

Donc cette invention ne concerne pas que les personnes en situation de handicap ?

Non, pas uniquement. Mais, très rapidement, on s’est rendu compte que c’est aux gens qui ont des problèmes de mobilité que l’on rendait le plus service. Que cela concerne des problématiques fortes comme « je ne peux pas accéder », ou de fatigue dues à certains handicaps, ou d’accessibilité partielle à certains bâtiments… On a connu un cas dans un lycée, avec un ascenseur en panne depuis plusieurs années. Malheureusement un cours de chimie avait lieu dans une salle basée uniquement au 3ème étage. L’élève, en fauteuil, ne pouvait plus y accéder. Parfois, c’est tout bête. Et nous sommes pragmatiques.

C’est-à-dire ?

On ne va pas forcément faire rêver avec la technologie elle-même… Mais on va vraiment expliquer quel impact on peut avoir sur la vraie vie des gens. Et l’impact que l’on peut avoir sur ces personnes, et leurs retours… C’est notre carburant.

Ces robots sont-ils faciles à acquérir ?

On est plutôt sur un marché pour les professionnels. Le prix public s’étale de 5000 à 20 000 euros. Ce n’est pas un produit de luxe. Mais ce n’est pas non plus le gadget que l’on va s’offrir à Noël. Notre plus gros marché reste l’Éducation nationale. Avant de travailler, les personnes en situation de handicap vont à l’école. Et, là aussi, il y a énormément d’inégalités dans l’accès à l’éducation. On a donc commencé par des petits programmes régionaux, puis nationaux, d’équipement. A ce jour, le ministère de l’Éducation nationale a mis environ 4000 dispositifs à disposition en France, pour les enfants en situation de longue maladie ou de handicap, afin qu’ils puissent continuer à suivre les cours normalement.

Et en dehors de l’école ?

Tous ces enfants qui utilisent nos robots vont ensuite entrer dans la vie active. Et notre souhait est de continuer à les accompagner dans la réussite de leur carrière professionnelle, grâce à la technologie de télé-présence. Ce soutien sera parfois indispensable pour certains métiers, et, dans d’autres cas, une solution de repos et d’intégration. On a des exemples de jeunes qui, avant d’utiliser nos robots, étaient comme « coupés » de leur monde professionnel, puisqu’ils étaient en télétravail, à domicile. Le cas que j’ai en tête n’était pas forcément invité systématiquement dans les réunions et il effectuait ses tâches sans être en contact avec le reste de son entreprise. Le robot est arrivé dans les bureaux et, en 15 jours, l’usager s’est senti connecté à ses collègues. C’est pour cette raison que, pour nous, il s’agit avant tout d’une mission de lien social. La vraie plus-value d’un robot de télé-présence, c’est de maintenir le lien, et la présence d’une personne au milieu de ses confrères.

Au quotidien, cela se passe comment ?

L’exemple le plus parlant est sans doute celui de la machine à café. Il y a une vie qui se passe dans les couloirs, des liens qui se créent et ça, c’est que permet de faire le robot de télé-présence. J’ai un certain nombre de salariés qui sont en télétravail partiel ou total. L’un, qui est ingénieur en développement est basé à l’Ile de la Réunion. J’ai assez peu de raison d’échanger avec lui au quotidien. Mais comme il a un robot, je le vois tous les jours. Il est souvent derrière un bureau avec autres collègues présents physiquement. Je vais le saluer, je parle avec lui… Donc j’ai un lien permanent, qui est important pour qu’une personne se sente intégrée dans la structure.

C’est une image très futuriste. Il ne manque plus à ce robot qu’une allure humaine…

C’est le débat actuel. On se demande jusqu’où on peut aller. Doit-on verser dans l’anthropomorphisme ? Et puis, surtout, cela ajouterait de la complexité technologique. On privilégie la fonctionnalité avant tout, à un coût raisonnable, plutôt que de prendre le risque de problèmes techniques et de coût exorbitant. C’est vrai que la représentation peut constituer un frein : vous parlez à un écran sur une base mobile. Mais on essaye d’effacer l’appareil au maximum, en fabricant un ensemble très sobre. Et vous finissez par oublier la machine, lorsque vous parlez à votre collègue.

Awabot est désormais membre actif de l’association arpejeh. Qu’attendez-vous de cette adhésion ?

Nous développons une solution, qui est principalement technologique, mais pas seulement. Notre équipe sait faire la passerelle entre cette technologie et l’humain. En revanche, nous avons encore à apprendre des problématiques liées au handicap. Nous n’avons pas la même expérience, ni les mêmes retours. Donc, pour nous, il est important de faire partie d’un collectif de personnes concernées par ce sujet, ayant chacune leur expertise, qui nous permettent d’avancer dans cet exercice. Et, à l’inverse, auxquelles nous pouvons proposer des solutions pour améliorer -ou résoudre- des cas. Après tant d’années à déployer des robots avec des situations très compliquées en termes de handicap ou de maladie, on a acquis une véritable expérience. Ce qui a fait notre différence par rapport à d’autres technologies, c’est que l’on aborde les situations avec une vraie méthodologie d’accompagnement. Concrètement, nous comptons vraiment collaborer avec un maximum de personnes être complémentaires.

Très concrètement, les jeunes en situation de handicap accompagnés par arpejeh vont pouvoir venir visiter le site de fabrication de vos robots ?

Absolument. Je suis installé dans notre site basé à Vénissieux, près de Lyon. Un tiers de la surface est consacrée aux bureaux, avec des ingénieurs de développement, la communication, des chefs de projet, le SAV… Et, sur les deux tiers restants, se trouve un vrai site de production. C’est une usine d’assemblage, où l’on fabrique les robots. Donc ces jeunes vont voir tous les métiers qui tournent autour de la robotique. Et, évidemment, on pourra aussi organiser ces visites à distance. Le visiteur pourra se connecter à un robot, le prendre en main, et me suivre lorsque je lui servirai de guide dans l’usine. Cela fait partie de nos habitudes.

Propos recueillis par Yannick Kusy.