Interview de Christelle Valette, Agrégée de Lettres, Coordonnatrice ULIS TFC, titulaire du Master 2 Pratiques de l'Ingénierie de Formation en Education Inclusive de Paris IV - arpejeh

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Interview de Christelle Valette, Agrégée de Lettres, Coordonnatrice ULIS TFC, titulaire du Master 2 Pratiques de l’Ingénierie de Formation en Education Inclusive de Paris IV

Depuis quand et pourquoi travaillez-vous avec Arpejeh ?

Dès ma préparation aux examens d’enseignante spécialisée, je me suis rendue au forum découverte des métiers, qui se tient au lycée Balzac, mon ancien lycée, où j’enseignais le Français!

J’ai pu revenir ensuite avec mes élèves d’ULIS, pour découvrir, en un même lieu, les acteurs du recrutement et des entreprises inclusives et adaptées.

Cet événement est très bien organisé car l’association Arpejeh respecte les besoins particuliers des élèves mais aussi les spécificités, les caractères et les appétences de nos élèves. L’élève est accueilli en tant que personne et non comme un être à part, qui vient dans un forum dédié à sa «spécificité».

C’est pourquoi j’évoque des entreprises inclusives et adaptées. Il y a un choix extraordinaire de domaines, des entreprises prestigieuses, pointues, généralistes, des ESAT… Si je puis dire, on ne cantonne pas les élèves d’ULIS à une orientation par défaut, comme la cuisine ou le jardinage, qui semblent parfois être la seule issue à leur parcours scolaire pourtant méritant et souvent réussi.

 

Que vous apporte cette collaboration ?

Après ce moment fort du forum annuel, on peut travailler avec les élèves de l’ULIS leurs centres d’intérêt, autour de thématiques étudiées en classe.

Je ne peux pas recenser tout ce qu’Arpejeh a apporté et apporte à mes élèves. Je choisirai un exemple :  Une jeune fille d’ULIS avait accumulé les échecs en école élémentaire et sa famille n’osait plus formuler d’espoir d’avenir autonome pour elle. Elle s’enfermait dans des attitudes d’adolescente rebelle pour exprimer son mal-être. Avec le groupe ULIS, et l’étayage de ses pairs qui sont aussi adolescents, elle a participé à un concours de lavage de vitres au CFA propreté Inhni, à une visite des laboratoires de prélèvement du sang ainsi que des visites d’entreprises variées et organisées par Arpejeh… Bref ! Elle a eu deux déclics.

Le premier, c’est le don du sang à l’Établissement Français du Sang : une dame qui lui a expliqué pourquoi elle donnait son sang après la perte d’un être cher.

Le second chez MBDA, mon élève a discuté avec un collaborateur qui mettait au point des cartes électroniques. Il travaillait, concentré, dans un beau laboratoire sur un établi avec des composants rutilants comme des bijoux et des pierres précieuses.

Du coup, elle a choisi un lycée qui enseigne ce métier découvert à l’occasion de cet échange avec un professionnel de MBDA.

Je crois que c’est un exemple emblématique de ce qui se passe grâce à l’offre d’Arpejeh au fil des visites d’entreprise et des forums découverte des métiers. Sans parler des événements prestigieux comme Roland Garros où les élèves sont reçus comme des rois et posent en photographie avec les joueurs célèbres.

 

La jugez-vous pertinente et efficace ?

Oui, ces actions s’adaptent à l’avancée du projet du jeune : les forums découverte des métiers proposent des échanges professionnels/élèves en duo. C’est un premier pas vers le monde du travail.

Les autres actions proposées comme l’accueil d’équipes éducatives dans les entreprises ou les administrations, les stages de découverte requièrent un plus grand engagement du jeune.

Ce qui est facile à observer comme indice d’efficacité, c’est que les jeunes reviennent en étant capables de faire un CV, une lettre de motivation et ils ont souvent eu l’occasion de s’exprimer dans un entretien ou dans une présentation à l’oral en fin de stage. Je me souviens de cette élève, qui, à l’issue de son stage de 5 jours, devait passer à l’oral, devant les personnels de l’entreprise et les autres stagiaires. Elle n’en a pas dormi de la nuit ! Mais ensuite, elle a eu 100% de réussite à l’oral blanc du brevet car elle avait acquis une expérience, qu’elle a su transposer à son retour au collège.

Le mentorat est également important pour de multiples raisons professionnelles. Par exemple, il permet au jeune d’avoir une continuité dans son projet, au moment où l’évolution de son handicap peut amener des phases de stagnation ou de régression dans son parcours. Le moral aussi, c’est important ! Un parrain, une marraine aident à ne pas abandonner. Et c’est une relation qui fait entrer dans le monde adulte.

 

Selon vous quels pourraient être les axes de développement/amélioration de ce partenariat ?

Arpejeh a joué un rôle dans ma formation de Coordonnatrice ULIS qui doit proposer un projet d’orientation à mes élèves et à leurs familles. J’ai pu rencontrer les professionnels des entreprises et les missions handicap grâce aux rencontres organisées par l’équipe Arpejeh.

Ce serait intéressant d’ajouter ces rencontres dans la proposition de formation continue des enseignants car bâtir une orientation avec un jeune demande une vraie connaissance du monde du travail, notamment quand il y a à prendre en compte des besoins spécifiques.

Je ne peux que recommander à tous mes collègues en ULIS d’accroître le partenariat avec l’Association Arpejeh, qui, comme son nom l’indique, ne fournit pas seulement un stage mais un « projet » au jeune. C’est à quoi doit aspirer l’éducation, non pas seulement viser une « école » pour tous mais un « projet » pour tous et qui ne s’arrête pas à la fin de l’école.